L'Attracteur     No. 5     Automne 1997 LA REVUE DE PHYSIQUE ISSN 1207-0203


Un Franklin vaut mieux que deux Faraday

C’est du moins ce que l’on doit déduire lorsqu’on compare la valeur donnée aux monnaies portant leurs effigies. Plusieurs pays ont honoré des physiciens en apposant leur visage sur de billets de banque. Cependant, on peut constater que l’importance accordée à la science fluctue énormément entre les différents pays.

Le physicien ayant la valeur marchande la plus élevée en ce moment est Benjamin Franklin, le fameux politicien-chercheur américain. Le fait d’avoir été le premier physicien à suggérer le principe de conservation de la charge lui a valu l’honneur de figurer sur les billets américains de 100 dollars (140 $CAN). Michael Faraday, en dépit de son travail remarquable sur les propriétés et la relation entre le magnétisme et l’électricité, ne se retrouve que sur les billets de 20 livres anglaises (45 $). Grâce à la découverte et la classification des éléments radioactifs qu’ils ont faits dans leur vie, Pierre et Marie Curie viennent au deuxième rang. Leurs visages imprimés sur les billets de 500 Francs français (115 $) font d’eux les physiciens ayant la plus grande valeur en Europe. La théorie quantique est aussi très appréciée chez nos amis du vieux continent. Erwin Shrödinger se retrouve (sans son chat) sur les billets de 1000 Schillings autrichiens (110 $). Le dernier physicien à être honoré dans les grandes ligues monétaires mondiales est Ernest Rutherford. Ce physicien néo-zélandais a établi les bases de la physique en déterminant que la majorité de la masse de l’atome se retrouve dans un très petit noyau au centre, et que sa taille est déterminée par des électrons qui se promènent en périphérie. Ce premier aperçu de la structure atomique lui a valu, en plus du prix Nobel, d’avoir son buste sur les billets de 100 dollars néo-zélandais (90 $CAN).

Effigies de Pierre et Marie Curie sur un billet de 500 francs français Effigie de Lord Lutherford sur un billet de 100 $ néo-zélandais

Plusieurs autres physiciens ont vu leur visage imprimé sur des billets de banque, dont la valeur, malheureusement, ne reflète peut-être pas l’importance que ces personnages ont pu avoir dans le développement de la physique et de la science en général. Volta et Gauss, malgré leur grande contribution au développement de l’électricité et du magnétisme sont à peine évalués à 8 $ (respectivement à 10 000 Lires italiennes et à 10 Marks allemands). Galilée, le fondateur de la méthode expérimentale, ne vaut quant à lui pas plus de 2 $ (2000 Lires).

Il faut aussi croire que les modèles qui ont révolutionné notre façon de voir l’univers n’ont pas la cote chez les banquiers. Newton (Livres anglaises), Copernic (Zloty polonais) et Einstein (Livres israéliennes) ont tous été bonnement retirés de la circulation. Il faut croire qu’il y a au moins un principe physique qui s’applique à l’économie : tout est relatif...

a Loïc Franchomme-Fossé