L'Attracteur No. 8 Automne 1999 | LA REVUE DE PHYSIQUE |
ISSN 1207-0203 |
Marie-Josée, étudiante à la maîtrise, est une des rares femmes en physique à l'Université de Sherbrooke. Elle nous décrit ses études en physique dans cette entrevue accordée à notre journaliste Vincent Farley.
Pourquoi as-tu choisi d'étudier en physique?
La médecine a été mon premier choix. Ensuite, j'hésitais entre la physique et la chimie. Les sciences physiques m'intéressaient et, étant donné que je n'aimais pas vraiment la chimie organique, j'ai opté pour la physique.
As-tu aimé ton bac en physique?
Oui, ce n'était pas facile, mais je ne regrette pas mon choix. Ce que j'ai le plus apprécié, c'est d'avoir eu plusieurs cours de travaux pratiques. Cela nous offre une excellente formation autant théorique que pratique.
Comment trouves-tu l'ambiance au Département?
Au Département, les professeurs sont aussi des chercheurs. Ils sont donc toujours accessibles et prêts à répondre aux questions des étudiants. Être un petit département a ses avantages.
Que fais-tu comme études à la maîtrise?
Je travaille sur un projet de génération de seconde harmonique dans des guides d'ondes à puits quantiques. C'est un projet d'optoélectronique. D'abord, je fabrique, en salle blanche (en génie électrique), des guides d'ondes à base de semiconducteurs. Un guide d'ondes est l'analogue d'une fibre optique, mais fabriqué sur une gaufre de semiconducteur. Ensuite, je génère une seconde harmonique dans ces guides d'ondes. Pour ce faire, je focalise deux faisceaux à impulsions ultracourtes de même longueur d'ondes (950 nm) à chaque extrémité du guide. Lorsque deux impulsions se rencontrent, il y a une interaction non linéaire des impulsions avec le matériau et il y a génération de seconde harmonique. Dit autrement, il y a un faisceau du double de la fréquence des faisceaux incidents, soit d'une longueur d'ondes deux fois plus petite (475 nm), qui sortira perpendiculairement à la surface de l'échantillon (voir schéma).
Maintenant, on pourrait se demander pourquoi je fais cela. La génération de seconde harmonique se fait depuis déjà un bon bout de temps dans des cristaux à propriétés non linéaires comme le KDP et le LiNbO3. Le problème avec ces matériaux est leur incompatibilité avec les circuits intégrés. L'utilisation de semiconducteurs pour l'optique non linéaire permet de faire le lien entre l'optique et l'électronique. Ça permet la fabrication de circuits intégrés optoélectroniques dont les principales composantes sont fabriquées à partir d'une même famille de semiconducteurs, compatibles entre eux.
Les semiconducteurs volumiques ont de meilleurs propriétés optiques non linéaires que les cristaux conventionnels. Par contre, les semiconducteurs, contrairement aux cristaux conventionnels, n'ont pas d'accord de phase. En bref, cela veut dire que la seconde harmonique et les faisceaux fondamentaux ne se propagent pas à la même vitesse dans le matériau. Lorsqu'il n'y a pas d'accord de phase, il y a de l'interférence, ce qui a pour effet d'atténuer la seconde harmonique à la sortie du matériau. C'est pour cette raison que l'on n'utilise pas les semiconducteurs volumiques pour la génération de seconde harmonique. Maintenant, nous, ce que nous essayons de faire, c'est d'augmenter les effets non linéaires dans les semiconducteurs à l'aide de puits quantiques asymétriques. En même temps, j'étudie l'influence des effets non linéaires et de la géométrie du guide sur la propagation d'impulsions ultracourtes.
Semblerait-il qu'il y aurait un besoin de lasers à semiconducteurs dans le bleu. Tes études te permettront-t-elles de fabriquer de tels lasers?
Oui, possiblement. Mais nous faisons d'abord des études fondamentales. Par ailleurs, la génération de seconde harmonique dans les guides d'ondes est un excellent autocorrélateur d'impulsions ultracourtes. Cela veut dire que ce dispositif permet de mesurer très rapidement, avec un traitement mathématique, la largeur des impulsions ultracourtes. De plus, en intégrant un laser (semiconducteur) à cette structure, on pourrait en faire un spectromètre ultra-compact très précis ou bien un diviseur de longueur d'onde très en demande dans le domaine des télécommunications.
Que voudrais-tu faire après ta maîtrise?
Excellente question. J'hésite toujours entre poursuivre mes études au doctorat ou aller travailler. On verra bien.
Est-ce qu'il y a un domaine précis de la physique qui t'intéresse?
Tous les domaines m'intéressent, particulièrement l'optoélectronique et l'optique.
Est-ce qu'il y a beaucoup d'ouvertures dans ces domaines?
Les possibilités d'emplois dans ces domaines sont excellentes. Je crois que la demande pour des gens compétents en optique et en optoélectronique ne devrait qu'augmenter, surtout avec la récente création du Centre d'Excellence en Photonique. D'ailleurs, c'est ce qui rend ma décision de poursuivre au doctorat si difficile.
Bon courage (Marie-Josée) dans tes études à la maîtrise et bonne chance dans ta prise de décision.
Vincent Farley j