L'Attracteur     No. 9    Hiver 2000 LA REVUE DE PHYSIQUE

ISSN 1207-0203

Chut!

Il y a des mélodies qu'on se plaît à écouter, mais il y a aussi des bruits que l'on ne veut pas entendre! Il faut se réjouir : des scientifiques travaillent justement pour étouffer ces sons indésirables! C'est le cas de certains chercheurs du GAUS, le Groupe d'Acoustique et vibrations de l'Université de Sherbrooke.

Le GAUS s'est vu décerné ce nom en 1984, mais le groupe de recherche a vu le jour bien avant! Dès 1978, le GAUS existait! Toutefois, ce n'était seulement qu'une idée de projet lancée par M. Jean Nicolas, qui venait tout juste d'être nommé professeur adjoint à la Faculté des sciences appliquées. Il proposait de débuter des recherches en acoustique, le domaine de la physique qui étudit les sons.

Petit à petit, l'idée faisait son chemin et l'entreprise se concrétisait de plus en plus. En 1982, quatre ans après la proposition de M. Nicolas, le financement devenait plus important. C'est aussi cette année-là que parurent les premières publications. Tout se mettait en oeuvre pour encourager le déroulement des activités de recherche et le laboratoire d'acoustique de l'Université de Sherbrooke devint rapidement le plus dynamique au Québec!

De 1985 à 1989, le GAUS continua de prendre de l'expansion en diversifiant ses projets de recherche et franchit les frontières du pays pour devenir un laboratoire de renommée internationale. On le désigna aussi comme étant l'un des cinq centres d'excellence en recherche de l'Université de Sherbrooke!

Aujourd'hui, le GAUS est toujours très reconnu. Il est l'un des plus importants laboratoires de recherche en acoustique et vibrations au Canada. Le Groupe d'Acoustique travaille conjointement avec d'autres laboratoires d'importance tels que les centres de recherche LeMANS et INSA en France, le CNRC à Ottawa et l'Université Purdue aux États-Unis. En plus d'avoir publié plus de 30 articles dans des journaux internationaux au cours des quatres dernières années, le GAUS a aussi créé des logiciels informatique servant notamment à simuler des traitements acoustiques.

Ces simples exemples sont loin de représenter tous les projets du GAUS! Ce dernier collabore aussi avec plusieurs entreprises. Ses chercheurs tentent, par exemple, de réduire le bruit des nouveaux autobus à plancher bas de Novabus, de voir à la discrétion acoustique des avions de Canadair et des équipements de conditionnement d'air de Venmar, d'étudier les bruits des transformateurs d'Hydro-Québec et de supprimer ceux que l'on retrouve dans les cabines des hélicoptères de Bell Helicopters.

Certaines de ces recherches sont, en parties, réalisées par des étudiants à la maîtrise, comme Yvan Pelletier. Bachelier en Physique de l'Université de Sherbrooke, il étudit maintenant la faisabilité de réduire le rayonnement acoustique d'un transformateur d'Hydro-Québec, en contrôlant les vibrations des parois à l'aide d'actionneurs inertiels.

Le but d'un transformateur électrique est de rendre utilisable, dans les maisons, l'électricité contenue dans les lignes à hautes tensions provenant de la centrale d'Hydro-Québec. Dans le transformateur, la tension passe donc de 750 kV à 25 kV, ce qui implique plusieurs forces, dont les forces de Lorentz (présentes lorsqu'un champ électrique et un champ magnétique agissent en un même endroit). Sous l'action de ces forces, le noyau du transformateur (une bobine magnétique) se met à vibrer. Vu que ce noyau est fixé à la base et au sommet du transformateur, les parois de ce dernier commencent, elles aussi, à vibrer selon divers modes1. Certains de ces modes ne se couplent pas bien à l'air. Ainsi, ils ne sont pas perçus par l'oreille humaine. Toutefois, d'autres vibrations s'associent bien avec l'air, ce qui engendre un rayonnement de bruits aux harmoniques de 120 Hz. C'est ce que l'on souhaite éliminer.

Déjà dans les années 1950, on étudiait les façons d'atténuer le bruit des transformateurs en utilisant des haut-parleurs. Ceux-ci créaient une onde anti-phase avec celle qu'on désirait éliminer. Par interférence destructive (principe de superposition), les vibrations de l'air s'annulaient. Par conséquent, le bruit devenait nul!

Le projet d'Yvan, au GAUS, consiste à tenter d'induire les vibrations, sur les parois du transformateur, par des actionneurs inertiels. Au départ, des capteurs d'erreurs piezo-électriques convertiraient les vibrations de la paroi métallique du transformateur en signal électrique. Ce signal serait reçu par un algorithme de contrôle (algorithme des moindres carrés moyens) qui calculerait le courant nécessaire pour annuler le signal de départ. Par la suite, l'actionneur inertiel serait activé : le signal de courant alternatif agirait sur son noyau (une bobine). La variation du champ magnétique du noyau ferait osciller la masse se trouvant dans l'actionneur, entraînant ainsi tout le système dans un mouvement oscillatoire, par inertie. Avec un courant spécifique, la fréquence de résonance de l'actionneur serait alors semblable à la fréquence que l'on veut traiter sur la plaque du transformateur. Encore une fois par interférence destructive, la vibration de l'actionneur viendrait annuler celle des parois du transformateur. En supposant que l'algorithme fonctionne bien, le signal du capteur d'erreurs devrait tendre vers zéro, à mesure que des corrections seraient apportées.

En théorie, tout va bien, mais il reste encore beaucoup de données à établir. Yvan cherche, entre autres, à déterminer le nombre de capteurs et d'actionneurs qui seraient nécessaires et à quel endroit il conviendrait de les placer. Un autre aspect à étudier est l'implantation des algorithmes dans l'équipement électronique.

Face à la résolution de ces problèmes, Yvan n'hésite pas à dire que ses années d'études en Physique lui viennent en aide. En plus des théories d'électromagnétisme qui ressemblent à celles que l'on retrouve en acoustique, les notions des transformées de Fourier lui sont très utiles en contrôle actif. De plus, les mathématiques et le traitement analytique des phénomènes physiques dans les cours de son baccalauréat en Physique sont un atout, selon lui.

Yvan Pelletier fait donc partie de la grande équipe que forment les chercheurs du Groupe d'Acoustique et vibrations de l'Université de Sherbrooke. Ce centre de recherche est l'exemple idéal pour démontrer qu'une petite idée peut devenir une grande entreprise.

Merci à Yvan Pelletier pour m'avoir généreusement donné de son temps.

1Les vibrations empruntent aussi un autre chemin de propagation. Le noyau baignant dans de l'huile, cette dernière capte les vibrations et les transmet aux parois du transformateur.

Marie-Ève Gosselin j

Bibliographie

http://www-gaus.gme.usherb.ca/