L'Attracteur     No. 10    Automne 2000 LA REVUE DE PHYSIQUE

ISSN 1207-0203

Fusion nucléaire : rêve ou réalité?

C'est au cours des années 1930 que les scientifiques ont découvert que le Soleil et les étoiles produisent leur énergie grâce à un processus de fusion nucléaire. Depuis cette découverte, ils tentent, mais en vain, de reproduire ce processus de façon contrôlée sur la Terre.

La théorie d'Einstein, selon laquelle la masse peut être convertie en énergie (E=mc2), est l'une des bases de la compréhension de ce procédé. Les quantités importantes d'énergie en jeu lors des désintégrations ou réactions nucléaires ont permis de révéler cette conversion au grand jour et ont suscité l'espoir que des réactions nucléaires contrôlées pourraient fournir à l'humanité de l'énergie en grande quantité. Pour y arriver, deux procédés sont possibles : la fission et la fusion nucléaires. C'est de la fusion dont il sera question ici, des façons dont on pourrait concrètement y arriver et enfin des avantages qu'on pourrait en tirer.

Qu'est-ce que la fusion?

La fusion nucléaire est un procédé grâce auquel on peut obtenir une énorme quantité d'énergie en unifiant les noyaux d'éléments légers (comme l'hydrogène), à des pressions et températures extrêmement élevées, pour former des éléments plus lourds (comme l'hélium). Au cours de cette transformation, une partie de la masse de l'hydrogène est transformée en énergie. Mais nous serions en droit de nous demander comment cela est possible... La réponse est simple : l'énergie de liaison entre les nucléons (particules du noyau) augmente généralement avec le numéro atomique, jusqu'au fer. Ainsi, si deux noyaux légers se fusionnent en un plus lourd, il en résulte une émission d'énergie. Il en est de même si un noyau plus lourd que le fer se scinde en deux parties (fission).

Comment faire?

Schéma 
d'une fusion nucléaire.  À gauche : les réactifs et à droite : les produits.

Bien que ce ne soit pas la plus répendue sur le Soleil, la fusion la plus simple à produire artificiellement résulte de la combinaison d'un atome de deutérium (isotope de l'hydrogène dont le noyau est fait d'un proton et d'un neutron) à un atome de tritium (isotope de l'hydrogène dont le noyau est fait d'un proton et de deux neutrons), pour former de l'hélium. Le schéma ci-contre illustre ce qui se produit lors de cette fusion nucléaire. L'hélium, un des produits de la réaction, contient 20% de l'énergie finale, tandis que le neutron, l'autre produit, en contient 80%.

Pour faire en sorte que la fusion soit possible, les atomes d'hydrogène doivent être chauffés à une température très haute, de l'ordre des 100 millions de degrés Celsius, ce qui permet aux atomes d'avoir suffisamment d'énergie et d'être côte à côte assez longtemps pour se fusionner. Mais comment se fait-il alors que le Soleil n'ait qu'une température de 15 millions de degrés Celsius? Sur le Soleil et les étoiles, l'effet de la force gravitationnelle engendre une pression suffisante pour permettre à la réaction nucléaire de se produire à une température plus basse. Sur Terre, comme la pression que nous pouvons créer artificiellement reste faible en comparaison de celle qui existe au cœur du Soleil, nous nous devons de compenser en augmentant encore plus la température.

Schéma 
des lignes de champ magnétique formant une bouteille.

Chauffer le mélange deutérium/tritium jusqu'à une température aussi élevée n'est pas un problème en soi. Le problème est cependant de le confiner sous des conditions aussi extrêmes. Deux méthodes ont été développées : le confinement magnétique et le confinement inertiel. À une certaine température, les électrons des atomes se séparent des noyaux (ionisation). Le mélange est alors à l'état plasmatique. Les charges des particules formant le plasma permettent de le confiner à l'aide d'un champ magnétique. Le problème de ces bouteilles magnétiques est qu'une partie des particules s'échappent par les extrémités. Un champ de forme toroïdale (beigne) est donc tout indiqué : le plasma reste emprisonné vers le centre du tore, sans jamais en toucher la paroi ni en sortir. Cette méthode de confinement est appelée confinement magnétique. Dans le confinement inertiel, les scientifiques utilisent une toute petite capsule de quelques millimètres sur laquelle sont concentrés des faisceaux laser (ou des faisceaux de particules). Une couronne de plasma se forme donc près de la paroi de la capsule et tend à l'expansion, donc les particules du centre sont comprimées et atteignent des températures de millions de degrés. Dans les deux cas, théoriquement, il y a fusion entre les noyaux.

Quels en sont les avantages?

Outre le fait que la fusion nucléaire dégage énormément d'énergie, elle a plusieurs avantages, si on la compare aux autres sources d'énergie connues.

Premièrement, les réactifs nécessaires à la fusion nucléaire sont présents en grande quantité partout sur la planète. En effet, le deutérium (constituant 0,015% de l'hydrogène terrestre) peut facilement être extrait de l'eau ordinaire, et le tritium peut être obtenu à partir du lithium, qu'on retrouve, entre autres, dans l'eau de mer. Cela fait de la fusion une énergie très accessible.

Deuxièmement, la fusion ne présente aucun risque d'accident nucléaire. Effectivement, la quantité de deutérium et de tritium présente dans la zone de réaction est tellement petite que des libérations intenses et dangereuses d'énergie seraient impossibles. Dans des cas de mauvais fonctionnement, le plasma adhérerait à la matière ambiante et se refroidirait très rapidement, étouffant du coup tout risque d'incident.

Troisièmement, par opposition aux combustibles fossiles, la fusion ne produit pas de déchets chimiques nocifs, donc pas de pollution.

Quatrièmement, par opposition à la fission nucléaire, la fusion ne produit aucun déchet radioactif ayant besoin d'être isolé pendant des dizaines ou des milliers d'années.

Cinquièmement, les matériaux utilisés pour la fusion ne peuvent pas être utilisés à des fins de fabrication d'armes nucléaires.

C'est par tous ces avantages que la fusion nucléaire semble être la source d'énergie idéale. Mais malheureusement, personne n'a encore réussi à obtenir autant d'énergie que celle fournie au départ pour obtenir un plasma aussi chaud. De plus, si une telle situation se produisait, comment faire pour récupérer l'énergie libérée? Ainsi, bien que les procédés aient été grandement améliorés au cours des dernières décennies, plusieurs problèmes d'importance capitale restent encore à régler.

Même si plusieurs croient que la fusion con.trôlée est impossible, d'autres sont convaincus que d'ici le milieu du XXIe siècle, si tout va bien, des applications commerciales seront une réalité. Souhaitons que cette projection optimiste se réalise, car elle nous apporterait une source d'énergie sûre, propre et inépuisable.

Marie-Christine Gosselin j

Bibliographie

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