L'Attracteur     No. 10    Automne 2000 LA REVUE DE PHYSIQUE

ISSN 1207-0203

Ces rayons qui viennent du ciel...

Chaque jour, la Terre est bombardée par des milliers de particules nous venant de tous les coins de l'espace. Ces rayonnements cosmiques, bien que découverts seulement dans les années 1910, manifestent depuis toujours leur présence à travers divers phénomènes, certains moins désirables que d'autres. Mais heureusement, l'atmosphère et le champ magnétique terrestres jouent un grand rôle dans la protection de la Terre contre la majorité de ces rayons, parfois plus dangereux qu'on le pense.

Photographie d'une 
aurore boréale prise en Alaska Parmi les différentes manifestations des rayonnements cosmiques observées depuis le début des temps, mentionnons les aurores boréales (australes pour nos amis australiens). Une partie des particules chargées venant du Soleil (vent solaire) est captée par le champ magnétique terrestre. Ces particules de grande vitesse subissent une force magnétique les entraînant vers les pôles. En pénétrant dans la haute atmosphère, elles excitent des molécules à un niveau instable. Quand celles-ci reviennent à leur état d'équilibre, elles émettent un rayonnement dans le spectre visible : les aurores boréales ou australes.

Par contre, l'interaction entre le vent solaire et le champ magnétique terrestre peut mener à des conséquences plus néfastes. Par exemple, en 1986, un orage magnétique violent est venu perturber le champ magnétique naturel terrestre et a induit des courants parasites sur tout le réseau d'Hydro-Québec. Cela a entraîné une panne électrique majeure à la grandeur du Québec.

Outre le champ magnétique, l'atmosphère terrestre nous procure aussi une excellente protection contre les rayons cosmiques. Les astronautes qui voyagent hors de notre atmosphère sont donc dépourvus de cette protection. C'est d'ailleurs pour cette raison que les astronautes des missions Apollo ayant voyagé vers la Lune (1969 à 1972) ont affirmé avoir perçu des éclairs de lumière lorsqu'ils avaient les yeux fermés (voir encadré à la page 8). Ces éclairs étaient dus aux rayons cosmiques ayant traversé la paroi de la cabine et pénétré leurs yeux. Ce phénomène est rarement perçu sur la Terre, puisqu'elle est dotée de protections naturelles.

Voir les yeux fermés

À ce jour, deux explications ont été proposées pour expliquer les phénomènes lumineux perçus par les astronautes hors de l'atmosphère. La première se base sur la façon dont réagit normalement la rétine aux rayons lumineux. Lorsque des photons (de la partie visible du spectre) entrent en contact avec la rétine, il se produit une isomérisation, c’est-à-dire qu'un photon s'associe à une particule rétinienne et la fait changer d'état. Lorsqu'au moins 10 isomérisations se produisent en moins d'un dixième de seconde à un même endroit sur la rétine, les cellules photoréceptrices envoient de l'information visuelle au cerveau. Si une particule chargée passe à travers les paupières et va stimuler la rétine à certains endroits, les conditions précédemment énoncées sont satisfaites et de l'information est envoyée au cerveau qui décode un message lumineux, d'où les éclairs.

La deuxième explication repose sur l'effet Tchérenkov qui se manifeste dans un milieu lorsqu'une particule chargée circule plus vite que la lumière dans ce même milieu (par exemple, dans l'humeur aqueuse de l'œil). Une « onde de choc lumineuse » est alors produite, analogue à l'onde de choc produite au passage du mur du son. À cet instant, on peut observer un cône de lumière (d'où les éclairs lumineux), dont l'angle d'ouverture dépend de la vitesse de la particule chargée. Les différents astronautes ayant franchi les limites de l'atmosphère terrestre affirment avoir pu différencier trois types d'éclairs : des lignes (segmentées ou non), des étoiles et des nuages. On croit que c'est la direction des particules chargées entrant dans l'œil qui détermine la forme de l'éclair perçu. Aussi, ces éclairs sont plus facilement perçus lorsque l'œil est habitué à la noirceur. Après cette adaptation, le signal doit être moins intense pour pouvoir être détecté. Cela nous donne donc une idée de ce que Julie Payette voyait dans l'espace, juste avant de s'endormir...

Cependant, ces éclairs ne sont pas la seule conséquence des rayonnements cosmiques. En 1995, une équipe de scientifiques a étudié des échantillons sanguins d'astronautes faisant partie d'une mission de quatre mois à la station spatiale Mir. Ils ont comparé des échantillons pris deux semaines avant leur départ avec ceux pris à leur retour. Ils ont constaté que le nombre de chromosomes endommagés contenus dans leurs cellules sanguines avait doublé durant leur voyage. Cela confirme donc le danger des particules cosmiques desquelles nous sommes par bonheur protégés.

Toutefois, les dommages causés par les particules cosmiques ne se limitent pas aux êtres vivants. Ceux engendrés sur les circuits électroniques des engins spatiaux en sont d'autres tout aussi importants. Lorsque les particules chargées venant de l'espace traversent les jonctions et les transistors des circuits, ils changent leur polarité et donc le message que ceux-ci envoient est faussé (voir ci-bas). Ce phénomène indésirable se produit dans les satellites, les navettes spatiales, les sondes, etc. On cherche donc présentement une nouvelle technologie permettant de protéger efficacement ces circuits, afin d'enrayer les erreurs causées par les rayons cosmiques.

Rayons cosmiques 1, transistors 0

Les ordinateurs s'expriment dans un système binaire. Cela signifie qu'ils n'ont que deux états, donc deux possibilités de messages à envoyer : 0 et 1. Ils peuvent tout dire avec ces deux seules unités élémentaires d'information, qu'on appelle aussi bits. La jonction d'un transistor est formée de deux fragments d'un matériau semiconducteur (généralement du silicium). Un côté de la jonction est dopée P (positive, donc avec un matériau captant des électrons) et l'autre N (négative, avec un matériau cédant des électrons). Il est donc possible, selon le type de courant qui tente de traverser cette jonction, que celle-ci soit passante (1) ou bloquée (0). Les circuits intégrés des ordinateurs sont composés d'un assemblage de transistors.

Comme les rayons cosmiques sont formés de particules chargées ayant un pouvoir pénétrant très élevé, ils peuvent changer la polarité de la jonction d'un transistor lorsqu'ils la traversent. Ainsi, au lieu d'être à l'état 0, elle devient à l'état 1 ou vice versa. Ceci peut donc causer des erreurs dans le message envoyé par cette jonction, ce qui peut avoir des répercussions plus ou moins néfastes sur tout le circuit.

Enfin, nous pouvons nous compter chanceux de pouvoir nous fier sur la protection que l'atmosphère et le champ magnétique terrestres nous procurent constamment, sinon quoi notre corps et nos ordinateurs seraient en bien mauvais état.

Marie-Christine Gosselin j

Bibliographie

Photographie