L'Attracteur     No. 11    Hiver 2001 LA REVUE DE PHYSIQUE

ISSN 1207-0203

L'homme en images

Autrefois, une tumeur au cerveau signifiait automatiquement une opération et l'ouverture de la boîte crânienne. Il en était de même pour les autres parties du corps. Cependant, les choses ont bien changées depuis. Aujourd'hui, l'exploration du corps humain sans dommage ni intrusion est de plus en plus facile à réaliser et de plus en plus précise, surtout depuis la venue de la résonance magnétique nucléaire en imagerie médicale. En effet, l'utilisation des rayons X n'est plus la seule méthode pour obtenir des images corporelles. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) a d'ailleurs l'avantage de n'avoir recours à aucun type de radiations, ces dernières pouvant devenir dommageables lorsqu'on y est surexposé. L'IRM offre aussi un meilleur contraste entre les différents tissus que les rayons X et ce, sans avoir à injecter de substances contrastantes au patient.

C'est grâce à la supraconductivité qu'a pu naître cette nouvelle technologie. En effet, l'IRM repose entièrement sur la puissance de l'électroaimant qui est la base même de l'appareil. Il faudrait des centaines de kilowatts pour qu'un aimant conventionnel atteigne le champ magnétique désiré. Par conséquent, l'utilisation d'un aimant supraconducteur est très avantageuse. Mais comment obtient-on les images?

Les noyaux des atomes ayant un moment magnétique, ils agissent comme des aimants microscopiques en présence d'un champ magnétique. Les spins nucléaires s'aligneront parallèlement ou anti-parallèlement au sens de ce champ. Ces deux positions correspondent à deux niveaux d'énergie différents. La position parallèle requérant moins d'énergie, un tout petit peu plus de la moitié des spins prendront cette position, conformément à la règle de l'énergie minimum. C'est la réaction de ce petit surplus de spins qui permettra de détecter un signal1 .

Lorsque les spins sont alignés, sous l'effet du champ magnétique, on les met en présence d'une autre onde à laquelle ils sont maintenant sensibles. En IRM, on utilise des ondes radiofréquences, le même type d'ondes que celles des émissions radiophoniques! Si l'énergie procurée par les ondes est celle dont les noyaux ont besoin pour changer d'état, ils entreront en résonance, c'est-à-dire qu'il y aura un transfert d'énergie. Mentionnons que tous les noyaux des atomes ont généralement un spin, mais que la fréquence de résonance varie d'un noyau à l'autre, proportionnellement au champ magnétique auquel il est soumis. En interrompant l'impulsion de la radiofréquence, les spins reviendront à leur niveau d'énergie initial et élimineront l'excès d'énergie en émettant un signal : le signal de résonance magnétique. Le temps que mettent les spins avant de revenir à leur état d'équilibre se nomme le temps de relaxation et sa valeur varie avec les différents tissus. Ce sont donc les divers temps de relaxation qui forment les contrastes sur l'image.

Image dur crâne prise par IRMAfin que l'image soit encore mieux définie, on émettra la radiofréquence plusieurs fois consécutivement2, ce qui permettra de recevoir plusieurs signaux provenant des spins nucléaires - un seul étant insuffisant pour avoir une bonne information. Ces signaux seront alors détectés par une antenne pour ensuite être transmis à un ordinateur. Après les avoir analysés, l'ordinateur sera en mesure de produire une série d'images conformes au sujet. Il est même possible d'utiliser ces images pour construire un modèle en trois dimensions de la région observée!

Lorsqu'un patient est introduit dans la machine à IRM (un long tube, au coeur d'un puissant électroaimant supraconducteur), ce sont principalement les atomes d'hydrogène qui seront affectés par le champ magnétique, même si tout atome ayant un nombre impair de nucléons pourrait subir la résonance magnétique nucléaire. Cependant, comme les atomes d'hydrogène composent majoritairement le corps humain, ce sont eux qui sont ciblés en IRM. Notons aussi que l'intensité du champ magnétique utilisé par la plupart des dispositifs à IRM est d'environ 1,5 Teslas, soit approximativement 25 000 fois l'intensité du champ magnétique terrestre!3 Il ne faut pas s'alarmer, car même si ce champ est très puissant, il est inoffensif pour l'humain.

Malgré tous ses avantages, l'IRM n'est pas parfaite. Certains tissus, comme les poumons qui sont remplis d'air, n'émettent pas de signaux assez forts pour que l'on puisse faire une bonne image. De plus, les patients munis d'un stimulateur cardiaque (pacemaker) ou d'une prothèse de métal ferromagnétique ne peuvent recourir à l'imagerie par résonance magnétique. Et surtout, gare à la claustrophobie, car le tube dans lequel sont insérés les patients est très étroit! Alors, dans ces cas, les médecins préfèrent encore les rayons X.

Scanner ouvert sur les trois côtésCependant, la recherche continue! On tente de faire des machines à IRM ouvertes sur trois côtés qui pourraient donner d'aussi bons résultats que le tube aimanté. On pense aussi à injecter certains gaz dans les poumons pour ainsi obtenir de meilleures images qu'avec la technologie déjà présente3. Bref, l'histoire de l'imagerie par résonance magnétique ne fait que commencer.

Marie-Ève Gosselin et Marie-Christine Gosselinj

1 Sans cette légère différence entre le nombre de spins placés parallèlement et anti-parallèlement, les spins s'annuleraient tous et le signal serait, par conséquent, indétectable.

2 Le temps entre deux impulsions radiofréquences successives est appelé temps de répétition. Plus le temps de répétition est court, plus la différence entre deux tissus adjacents sera visible.

3 Charles Seife, Picture this, New Scientist 162, no 2180, 3 avril 1999, p.7.

Bibliographie

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