Enfin des résultats! Récemment, des physiciens du Canada, du Royaume-Uni
ainsi que des États-Unis regroupant leurs efforts au S.N.O. (Sudbury Neutrino Observatory),
l’observatoire de neutrinos à Sudbury,
ont présenté leur première observation avec un surprenant succès. En effet, ceux-ci amènent
la solution à une énigme vieille de plus de trente ans, le problème des neutrinos solaires,
le tout en révélant de nouvelles propriétés des neutrinos.
Proposé par Wolfgang Pauli vers 1930, le neutrino se présenta
comme étant une solution possible à la
désintégration ß (prononcé, bêta), véritable casse-tête
de la physique nucléaire à l’époque. En étudiant ce phénomène, on se rendit compte que la
quantité de mouvement ainsi que l’énergie n’étaient pas conservées lors de cette réaction
nucléaire. « Le petit neutre », ainsi nommé par Enrico Fermi, se présenta comme étant une
particule neutre sans masse (ou possédant une masse très faible), requise afin de maintenir
le principe de la conservation d’énergie, la quantité de mouvement et le moment cinétique.
On n'observa cependant pas cette dite particule avant les années cinquante.
De la famille des leptons, cette petite particule de charge
neutre n’interagit donc que par le biais de la force faible. Il est ainsi extrêmement
rare d’observer une interaction des neutrinos avec la matière. Toutefois, ces petits
timides se trouvent presque partout! Le Soleil, générant les neutrinos par le biais de la
désintégration ß et d’autres réactions nucléaires, émet approximativement 10
38
neutrinos par seconde. Ce qui veut dire que quelques billions de neutrinos vous
traversent au moment où vous lisez ces lignes! Quoique difficilement observables,
ces particules demeurent très utiles dans l’étude du comportement solaire ainsi que
plusieurs phénomènes astronomiques. Par le passé, maints détecteurs ont été
construits en vain : on ne détecta qu’une fraction des neutrinos auxquels on
s’attendait. Soit la théorie solaire est erronée, soit les instruments utilisés
n’étaient pas adéquats… Quoi qu’il en soit, quelque chose cloche…
Ils auront aussi à réviser la plupart des livres,
car cette récente transformation des neutrinos mène directement à la conclusion
que les neutrinos ont une masse! D’accord, elle reste extrêmement petite,
mais au nombre de neutrinos se trouvant dans l’Univers… ça fait quand même
un certain poids! Les études démontrent, en effet, que l'électron-neutrino
posséderait, au maximum, une masse de 2.8 eV. En combinant ces récentes études
avec l’évaluation de la différence de masse entre le tau-neutrino et le
muon-neutrino, effectué au
Superkamiokande, les scientifiques du SNO,
armés de nouvelles données, évaluèrent les masses des trois espèces de
neutrinos. La somme des masses se situe entre 0.05 et 8.4 eV (en comparaison,
celle d’un électron vaut environ 511 000 eV). Ce faisant, les calculs démontrent
aisément que la contribution des trois types de neutrinos à la masse manquante
de l’Univers n’oscillerait qu’entre 1% et 18%. Il en reste ainsi encore beaucoup
à « trouver » et le défit demeure toujours irrésolu. –Zut! –
Comment ont-ils réussi leur coup? En enfermant 1000 tonnes d’eau lourde purifiée
dans une sphère en acrylique de 12 mètres de diamètre, plongée elle-même dans un
gigantesque bac d’eau pure de 34 mètres de haut par 22 mètres de diamètre.
Englobant la sphère d’acrylique, se trouvent 9456 photosenseurs supportés par
une sphère géodésique de 17 mètres de diamètre (voir la page couverture). Les
photosenseurs détectent les petits éclairs lumineux émis lorsqu’un neutrino
interagit avec une molécule d’eau lourde. Bien que plusieurs billions de billions
de billions de neutrinos entrent en contact avec la boule d’eau, on enregistre en
moyenne qu’une dizaine de collisions par jour… Ce qui fait de la collecte de
données, un long et méticuleux travail. La caractéristique la plus importante
du système s’avère certainement sa capacité à déterminer si les neutrinos ont
changé de nature pendant leur petit voyage, fournissant ainsi les précieuses
réponses quant à la nature des neutrinos ainsi qu’à la théorie solaire.