L'Attracteur     No. 1     Automne 1995 LA REVUE DE PHYSIQUE ISSN 1207-0203

Gros plan sur André-Marie Tremblay

par Catherine Pepin


André-Marie Tremblay
Directeur du C.R.P.S.
Avant de venir offrir ses profondes connaissances scientifiques aux étudiantes et étudiants de l'Université de Sherbrooke, André-Marie Tremblay, professeur de physique et directeur du Centre de recherche en physique du solide (C.R.P.S.), avait déjà entamé une carrière fort prometteuse. Ce théoricien, diplômé de l'Université de Montréal et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), puis stagiaire postdoctoral à l'Université Cornell, a travaillé sur les systèmes hors d'équilibre avant de se lancer dans la supraconductivité.

M. Tremblay a fait beaucoup de recherche à l'étranger comme visiteur dans des universités américaines mais aussi comme collaborateur, à l'Université de Provence entre autres. Dans ce cas précis, c'est un visiteur à l'Université de Sherbrooke, M. Gilbert Albinet, qui lui a offert cette opportunité. "J'avais commencé une collaboration avec lui à ce moment-là et ensuite, je suis allé la poursuivre en Provence pendant deux mois", précise M. Tremblay. "Dans le cas de l'Institut de Physique Théorique à Santa Barbara, c'était des "workshops" [ou ateliers]; i.e. un groupe assez restreint de personnes qui se réunissent pendant quelques mois pour travailler sur un thème commun. Bien sûr, le thème est choisi par les organisateurs de l'atelier. Dans le cas de Santa Barbara, c'était sur la supraconductivité à haute température."

André-Marie Tremblay travaille sur la supraconductivité dite à haute température (i.e. environ 100 K alors que la supraconductivité ordinaire se situe dans les 10 K, c'est pourquoi on dit que la température est "haute"). "Comparativement aux métaux plus ordinaires (comme le cuivre ou l'argent), ce sont des matériaux très anisotropes - conduisant très bien le courant dans les plans parallèles, mais très mal dans les directions perpendiculaires à ces plans. Ils ne se comportent pas comme des matériaux normaux; la dépendance en température de leur résistivité et toutes sortes d'autres particularités sont très différentes. Les interactions entre les électrons sont très fortes dans ces composés. Les électrons ne se promènent pas seulement en sautant d'un atome à l'autre, mais ils interagissent fortement les uns avec les autres", explique M. Tremblay.

Auparavant, ce physicien s'était intéressé à plusieurs sujets de recherche, dont les transitions de phases des membranes. Il s'est aussi penché sérieusement sur les matériaux désordonnés, plus particulièrement sur le phénomène de la percolation. "Quand on prend un mélange de métal et d'isolant auquel on enlève le métal peu à peu, on atteint une concentration critique où le mélange devient isolant parce qu'il n'y a plus assez de métal. L'endroit où la concentration du mélange en fait un isolant s'appelle le seuil de percolation. Aux concentrations voisines de ce seuil, il existe plein de propriétés qui deviennent semblables à ce qui se passe dans les transitions de phases. C'est le même principe que la percolation qui se fait dans l'écorce terrestre", spécifie André-Marie Tremblay. Selon lui, le niveau conceptuel de ce problème était très intéressant. Ces travaux lui ont mérité la médaille Herzberg de l'Association canadienne des physiciens, une bourse Steacie du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie (C.R.S.N.G.) du Canada ainsi que la prestigieuse bourse Killam.

Le sujet de recherche qui le passionne le plus est celui sur lequel il travaille en ce moment; i.e. la supraconductivité à haute température. "Mais j'ai certainement toujours bien aimé les sujets sur lesquels je travaillais. Le sujet sur lequel je me penche actuellement a l'avantage d'être plus connecté sur l'expérience. Il est motivé par une foule de données expérimentales. Ce sont de vrais problèmes qui sont posés par la nature même", confie-t-il. Il semble que la contribution de M. Tremblay à la supraconductivité à haute température sera tout à fait novatrice. Cependant, comme il le dit lui-même, les résultats sont longs à venir en raison de la complexité du problème et de la féroce compétition internationale. Le fait d'être membre du programme de supraconductivité de l'Institut canadien de recherches avancées et d'avoir obtenu plusieurs dégagements d'enseignement de la part d'organismes subventionnaires divers le positionne très bien.


Logo du C.R.P.S.
Depuis 1991, André-Marie Tremblay est directeur du C.R.P.S. Il succède à Laurent G. Caron qui était le directeur fondateur du Centre de recherche depuis sa création en 1983. Il est chargé des demandes de subventions et de l'élaboration du budget annuel. Cependant, la majeure partie de sa tâche se situe au niveau de l'animation scientifique, entre les chercheurs, mais aussi entre les étudiantes et étudiants diplômés. Avant la création du C.R.P.S., la physique de l'état solide était déjà présente depuis le début des années soixante-dix au Département de physique. Le tout a commencé en 1974 grâce à Alain Caillé, Laurent G. Caron, David Cheeke, Serge Jandl, et André Lemieux. À ce moment-là, les chercheurs du département ont décidé de se concentrer dans l'étude de la matière condensée. Cette décision allait alors à l'encontre du mouvement qui existait dans les autres universités où chaque département s'efforçait de couvrir l'ensemble de la physique. "Ce fut une décision très éclairée, de dire M. Tremblay, qui nous a permis de percer dans ce domaine-là. Aujourd'hui, ce serait très difficile pour une université qui déciderait d'ouvrir un centre de recherche. Il n'y a plus tellement d'argent à investir dans de nouveaux sujets et la compétition est très dure."

Une des principales préoccupations de M. Tremblay est d'ouvrir le C.R.P.S. à d'autres sujets de recherche. "Quand on parle de la supraconductivité et des semiconducteurs, ce sont de grands domaines généraux. En fait, en-dessous de cela, on retrouve la ferroélectricité, l'effet des radiations sur l'électronique, la supraconductivité à haute température et son application dans le transport d'énergie… C'est un domaine très vaste." Ainsi, même si le centre de recherche est "confiné" à l'état solide, les techniques et les méthodes qui y sont utilisées couvrent l'ensemble de la physique. André-Marie Tremblay travaille aussi à favoriser les collaborations interdépartementales. En chimie et en génie électrique, notamment, cette interdisciplinarité semble être en bonne voie de se réaliser.

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