L'Attracteur     No. 3     Automne 1996 LA REVUE DE PHYSIQUE ISSN 1207-0203

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2005, L'ODYSSÉE DE LA NANOÉLECTRONIQUE

La microélectronique est aujourd'hui à la base de toute l'électronique des ordinateurs et des communications. Les dimensions de plus en plus réduites des composants ont demandé aux physiciens et aux ingénieurs des trésors d'imagination en recherche et développement. Or, il est prévisible qu'en l'an 2005, les dimensions de la grille d'un transistor soient rendues telles que les effets quantiques ne soient plus négligeables. C'est ce qu'est venu dire Jacques Beauvais, physicien et professeur en génie électrique, le 24 juillet dans le cadre d'un 6e Midi-physique estival.

Quelqu'un s'est amusé à porté sur un graphique semi-logarithmique l'évolution du nombre de transistors sur une puce au fil des années. Ceci, comme on peut le constater ci-contre, donne deux droites qui se rejoignent au milieu des années '70; ce comportement linéaire est appelé la loi de Moore. On peut voir que depuis 20 ans, le nombre de transistors par puce est décuplé à tous les 5 ans environ. La concentration de transistors par puce a depuis 1970 été multipliée par tout près de 100 000. C'est cette amélioration constante et spectaculaire qui permet d'avoir des ordinateurs de plus en plus performants.

 

Or, l'industrie s'est habituée à une telle progression qui est tributaire de la longueur de la grille du transistor à effet de champ (MOSFET). La loi de Moore peut aussi être étudiée en traçant sur un graphique semi-logarithmique l'évolution de la longueur de la grille au fil des ans. Là aussi, nous obtenons une droite et il semble que ceci pourra continuer indéfiniment. Mais est-ce bien le cas? L'industrie de la microélectronique en général et de la fabrication des ordinateurs en particulier est structurée de telle façon qu'elle profite des avantages de la loi de Moore.


Le transistor à effet de champ (MOSFET). Au-delà d'un certain seuil, l'application d'une tension électrique à la grille fait lever la barrière électrostatique bloquant le passage des charges et permet donc au transistor de laisser passer un courant. C'est le principe qui est à la base des circuits logiques : s’il y a une tension à la grille, alors il y a un courant qui passe.

Mais quels sont ces avantages? À mesure qu'on diminue les dimensions de la grille, il est plus facile aussi de diminuer le courant traversant le transistor et en bout de ligne, on se retrouve même avec des puces qui dissipent moins d'énergie. Mais outre cet avantage et le fait qu'on puisse mettre plus de transistors dans un ordinateur, la diminution de la grille a pour principal effet de réduire le temps de réaction du transistor et donc d'améliorer la vitesse de calcul des ordinateurs.

Il y aura autour de 2005 une véritable révolution dans le monde de la microélectronique : c'est à ce moment que les dimensions de la grille deviendront comparables à la longueur d'onde de De Broglie des électrons et que les effets quantiques commenceront à se faire sentir. Comme le dit Jacques Beauvais : « Jusqu'à présent, la microélectronique a exploité les comportements classiques des porteurs de charge dans les puces. D'ici dix ans, les effets des fonctions d'onde des électrons se feront sentir dans les circuits intégrés. » Ce qui signifie que les transistors n'auront plus un comportement binaire lorsque la dimension de leur grille sera en-deça de 100 nm. Ils pourront alors avoir d'autres états que "on" ou "off". Il n'est pas impossible que la logique floue remplace alors la logique binaire.
Comme le domaine quantique est du ressort exclusif des physiciens, ceux-ci prendront une part encore plus importante dans le développement de la microélectronique qui risque de changer de nom pour devenir la nanoélectronique puisque les dimensions tomberont sous le micromètre et qu'il faudra bien baptiser cette nouvelle discipline.

Plusieurs physiciens travaillent présentement à fabriquer et étudier des dispositifs quantiques pour jeter les bases de la nanoélectronique. Jacques Beauvais et son équipe développent des procédés de fabrication de micro-grilles et étudient le transport des électrons dans le corridor séparant deux de ces grilles minuscules. Comme on fabrique ces corridors de sorte que la largeur en soit de l'ordre de la longueur d'onde de l'électron, on les appelle communément fils quantiques.

Ces fils et autres dispositifs quantiques révolutionneront de bout en bout la technologie de l’information et, par le fait même, la société toute entière. Comme toujours, les physiciennes et les physiciens seront au premier rang lorsqu’en 2005 débutera une nouvelle ère, celle de l’électronique quantique.

Après un doctorat en physique à l'Université Laval, Jacques Beauvais complète un stage postdoctoral au Département de génie électrique de l'Université de Glasgow. Sa formation de physicien en optique et son expérience en génie électrique lui permettront de décrocher en 1993 le poste de professeur au Département de génie électrique et génie informatique et de se joindre à l'équipe MCM. Le MCM, dont la recherche porte sur les matériaux pour composants et microstructures, est l'une des 3 équipes de recherche du CRPS (Centre de recherche en physique du solide de l'Université de Sherbrooke). Jacques Beauvais y est responsable du laboratoire d'optoélectronique et de fabrication submicronique.

 

Louis Lemieux



Dernière mise à jour: 14 novembre 1996.

Mise en page par Gilbert Vachon

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