L'Attracteur     No. 4     Hiver 1997 LA REVUE DE PHYSIQUE ISSN 1207-0203


L'ANTI-MATIÈRE ET L'ÉQUATION E=MC2 AU SERVICE DE L'IMAGERIE MÉDICALE

Roger Lecomte et son équipe travaillent depuis plus de dix ans à la mise au point d’un tomographe à positrons. Appareil d’imagerie médicale, ce tomographe est maintenant le plus performant au monde.

Deux images obtenues par tomographie par émission de positrons avec deux traceurs différents sur un rat.


Tomographie des os d'un rat
Au-dessus, le traceur se fixe dans les os.

Ci-dessous, le traceur se fixe dans les principaux organes.

Tomographie des os d'un rat

La tomographie est une technique d'imagerie médicale qui permet d'obtenir l'image d'une tranche d'un corps vivant sans dissection. Plusieurs images ainsi acquises rendent possible une vision tridimensionnelle de l'intérieur du corps.

La tomographie par émission de positrons (ou PET scanning pour Positron Emission Tomography) est utilisée pour visualiser le fonctionnement des organes et composants des corps vivants, et non pas leur forme comme la tomographie par rayons X (tomodensitométrie) ou l'imagerie par résonance magnétique (IRM). En effet, après avoir introduit dans le corps un traceur dont est friand l'organe à étudier, on peut suivre son cheminement et observer sa biodistribution à l'intérieur de l'organe cible. Ces informations sont de bons indicateurs de son fonctionnement. Tout le monde a déjà vu ces images du cerveau de quelqu'un qui dort, qui regarde, qui réfléchit, qui écoute, etc. Sur ces images, les couleurs des différentes zones nous donnent une indication du niveau d’activité. Ces images ont été produites par tomographie à émission de positrons.

Cette technique d'imagerie nucléaire est basée sur le fait que certains noyaux d'éléments instables émettent des particules d'anti-matière nommées positrons qui sont en fait des anti-particules en tout point semblables à l'électron, sauf en ce qui concerne le signe de la charge électrique : celle-ci est positive tout comme celle du proton. Cette anti-particule ne peut survivre très longtemps dans notre monde de matière qui constitue son anti-monde. Après un très court laps de temps, elle rencontre un électron avec lequel elle s'annihilera.

Cette annihilation de matière et d'anti-matière se traduit par une transformation complète des masses du positron et de l’électron en énergie lumineuse. C'est ici qu'entre en jeu la fameuse équation d'Einstein, E=mc2, où c est la vitesse de la lumière. Si on y remplace m par la masse des positron et électron, l'énergie lumineuse totale E doit être de 1022 keV. Or, on ne peut avoir un seul photon (ou particule de lumière) de 1022 keV qui parte dans une direction, car il n'y aurait alors pas conservation de la quantité de mouvement ; elle serait plus importante après qu'avant l'annihilation (elle est négligeable à ce moment-là). La nature décide donc de produire deux photons d’annihilation de 511 keV chacun émis dans des directions diamétralement opposées de sorte que la quantité de mouvement de l'un annule presque celle de l'autre afin que cette quantité soit globalement conservée. (Un photon d’annihilation est une particule de lumière de très haute énergie qui peut passer au travers de la matière et donc être détectée extérieurement.) C'est cette symétrie qui permet de produire une image précise du fonctionnement d'un organe grâce à un traceur radioactif.

Les images sont produites comme suit : l'un des détecteurs placés en couronne autour du corps détecte ce qui peut très bien être un rayon d’annihilation de 511 keV. Si un autre détecteur fait une observation semblable à l’intérieur d’un très court intervalle de temps (de l'ordre de la nanoseconde, soit un milliardième de seconde), alors l'ordinateur branché à la couronne de détecteurs enregistre l'information selon laquelle il y a eu une annihilation positron-électron le long de la ligne qui relie ces deux détecteurs. Après avoir accumulé un nombre suffisant de ces évévements, la quantité d'informations de ce type est suffisante pour pouvoir être traitée et servir à produire une image de l'organe sous étude avec des zones dont la couleur indique le taux d'annihilations positron-électron, lequel correspond au niveau d'activité.

Louis Lemieux j


Dernière mise à jour: 2 mai 1997 .

Mise en page par Gilbert Vachon

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