L'Attracteur     No. 4     Hiver 1997 LA REVUE DE PHYSIQUE ISSN 1207-0203


LE PRIX NOBEL 1996

Les Nobel de 1996 ont justement découvert que cet isotope (l’hélium-3) est aussi suprafluide, mais à une température mille fois plus petite que l’hélium 4.

Le prix Nobel de physique 1996 a été décerné à trois physiciens américains, David M. Lee, Douglas D. Osheroff et Robert C. Richardson, pour leur découverte de la suprafluidité de l'hélium-3, en 1972, dans les laboratoires de l'Université Cornell, dans l'état de New-York. Ce court article vise à préciser l'objet de cette découverte.

Rappelons pour commencer que toutes les particules (simples ou composées) sont soit des « bosons », soit des « fermions ». Les fermions obéissent au principe de Pauli, qui stipule qu'on ne peut placer deux particules de même espèce dans le même état quantique. Les électrons, par exemple, sont des fermions. Les bosons ne suivent pas ce principe et on peut placer un nombre arbitrairement grand de bosons dans le même état quantique. Le photon est un exemple de boson et ce caractère se manifeste dans les lasers.

L'hélium existe en deux isotopes : l'hélium-4 (4He) est l'isotope courant, représentant pratiquement 100 % de l'hélium naturel. Son noyau comporte deux protons et deux neutrons (un nombre pair de nucléons) de sorte que l'atome est un boson. L'autre isotope est l'hélium-3 (3He), qui ne comprend qu'un seul neutron et deux protons, de sorte que l'atome d'hélium-3 est un fermion. L'hélium-3 est très rare (un atome sur un million) et s'obtient en pratique de la désintégration du tritium, isotope instable de l'hydrogène utilisé principalement dans les ... armes nucléaires. Les deux isotopes ont les mêmes propriétés chimiques et ressentent les mêmes forces interatomiques, car leurs structures électroniques sont les mêmes. Rappelons que l'hélium (toutes variétés) est un gaz inerte qui devient liquide à une température absolue très basse : environ 4o K (degrés Kelvin); en comparaison, la température de la pièce est d'environ 300o K. Lorsque l'hélium-4 est refroidi en deça de 2,17o K une fraction importante des atomes se placent dans l'état quantique fondamental et donc agissent tous de la même façon : une fraction du liquide se comporte alors comme un seul objet quantique et perd toute viscosité, ce qui donne lieu à des phénomènes plutôt étranges. Ce phénomène, découvert dans les années 1930, s'appelle « suprafluidité » et le liquide est dit « suprafluide ». Par exemple, un suprafluide peut s'écouler d'un contenant en grimpant tout seul sur la paroi et en retombant de l'autre côté, ce qui semble défier la gravité! Il peut s'écouler par des ouvertures si petites qu'elles bloquent même l'hélium gazeux, etc. La suprafluidité, comme la supraconductivité, est une manifestation de la mécanique quantique à l'échelle macroscopique, alors que les phénomènes quantiques sont habituellement observés dans des systèmes microscopiques (atomes, molécules, etc.).





















Suprafluidité d’un liquide. Sur ce schéma le liquide entre dans le contenant

Comme l'hélium-3 est un fermion, il ne devrait pas être suprafluide! Or, les Nobel de 1996 ont justement découvert que cet isotope est aussi suprafluide, mais à une température mille fois plus petite que l'hélium-4. L'explication est que les atomes d'hélium-3 s'arrangent par paires, et que ces paires, qui comportent un nombre pair de fermions, sont des bosons. Ces paires sont si fragiles qu'elles se brisent quand la température va au-delà de 3o mK (100 000 fois plus froid que la température ambiante). Signalons que la supraconductivité procède par un mécanisme analogue : deux électrons forment une paire (la paire de Cooper) et l'ensemble de ces paires se comporte comme un suprafluide (écoulement sans friction), sauf que ce suprafluide porte une charge électrique, alors que l'hélium est neutre. La suprafluidité de l'hélium-3 est un phénomène plus riche que la suprafluidité de l'hélium-4 en raison de la structure interne des paires d'atomes. Ces dernières sont dans un état de spin total S=1 et de nombre quantique orbital L=1 (en comparaison, les paires de Cooper dans un supraconducteur conventionnel ont un spin total S=0 et un nombre quantique orbital L=0). En fait, plusieurs types de suprafluidité y sont observés. Des chercheurs à Helsinki et à Grenoble ont même réussi à simuler les changements de phase complexes qui peuvent s'être produits dans l'Univers peu après le big-bang, en étudiant les phases suprafluides de l'hélium-3. Comme quoi la physique propose des explications universelles qui peuvent s'appliquer à des échelles de températures très différentes!

Pour plus d'information, on peut consulter la page Web suivante (en anglais) :

http://www.nobel.se/laureates/physics-1996-press.html














Suprafluidité d’un liquide. Sur ce schéma le liquide sort du contenant


David Sénéchal j


Dernière mise à jour: 8 mai 1997 .

Mise en page par Gilbert Vachon

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