L'Attracteur     No. 11    Hiver 2001 LA REVUE DE PHYSIQUE

ISSN 1207-0203

La supraconductivité : applicable?

Bien que l'utilisation des supraconducteurs soit limitée par la basse température qu'ils nécessitent, il n'en reste pas moins que les scientifiques leur ont trouvé des applications très diversifiées que ce soit dans les domaines de l'environnement, de la médecine, de l'ingénierie (voir le câble supraconducteur) ou plus encore.

Environnement

Par exemple, on met à profit les propriétés magnétiques des supraconducteurs pour la filtration de l'eau. En effet, il existe des particules magnétiques qui s'attachent à la poussière. Ces particules sont mélangées à l'eau, capturent les poussières, puis sont séparées du milieu liquide par un puissant champ magnétique généré par des supraconducteurs, emportant les impuretés avec elles.

Mis à part la purification de l'eau, les supraconducteurs peuvent aider à assainir l'air. Mais on ne s'y prend pas de la même façon, car le but n'est pas le même. Contrairement à l'épuration de l'eau, on ne cherche pas à extraire les poussières, mais bien à éliminer les agents polluants avant qu'ils soient éjectés dans l'environnement. Par exemple, lors de la combustion du charbon, les polluants contenus dans celui-ci (principalement du souffre) sont expulsés dans l'air avec les autres composantes de la fumée. Cependant, tous ces éléments n'ont pas les mêmes propriétés magnétiques, donc on peut les séparer avant la combustion grâce à un aimant supraconducteur. C'est donc un bon exemple que la technologie ne fait pas que polluer l'environnement, mais elle aide aussi à le préserver.

Transport

Le Transrapid, le prototype allemand En dépit du fait qu'ils soient très utiles en environnement, les supraconducteurs ont aussi une foule d'autres applications importantes et intéressantes. Une des plus spectaculaires est d'ailleurs le train à lévitation magnétique. Lorsqu'on pense au Train à Grande Vitesse (TGV) parcourant la distance Paris-Lyon en deux heures, ça nous semble très rapide. En effet, la vitesse de croisière du TGV est de 270 km/h, soit plus de deux fois plus vite qu'une automobile circulant sur une autoroute du Québec. Mais la vitesse maximale d'un train à lévitation magnétique s'élève à plus de 500 km/h (en avril 1999, le prototype japonais a atteint 550 km/h). Les trains traditionnels ne peuvent pas atteindre une telle vitesse, car ils sont limités par l'adhésion qu'ont les roues avec les rails. Pour leur part, les trains à lévitation magnétique sont construits de sorte à ce qu'il n'y ait aucun contact entre la partie mobile et la partie immobile. La voie est constituée de bobines supraconductrices qui repoussent des aimants présents sous le train. Si les aimants du train sont assez puissantes, ce dernier peut léviter à 10 cm de la voie.

Aussi, les dangers de déraillement sont infimes, ce qui en fait un moyen de transport hautement sécuritaire. Mais les avantages sont beaucoup plus nombreux : la vitesse et la capacité d'un train à lévitation magnétique en font un moyen de transport vraiment efficace. Il serait utile dans les régions du monde où les embouteillages sont chose quotidienne. De plus, puisqu'il fonctionne à l'électricité, il n'occasionne aucune pollution par dégagement de résidus de combustion dans l'air (comme c'est le cas avec les trains au charbon ou les automobiles). Cependant, malgré tout ces avantages, le système de refroidissement et d'alimentation causent encore problème. C'est d'ailleurs pourquoi la découverte d'un supraconducteur à une température encore plus élevée que ceux existants aujourd'hui serait d'une aide énorme. Il existe présentement plusieurs lignes d'essai et de prototypes, notamment en Allemagne, au Japon et aux États-Unis, cependant, elles n'ont pas encore d'usage commercial. Schéma d’un SQUID.  
Un champ magnétique perpendiculaire altère la phase entre la fonction d’onde des 
paires de Cooper située au-dessus par rapport à celle située en dessous de l’isolant.

Médecine

La médecine, toujours à l'affût de nouvelles technologies, fait aussi preuve d'ingéniosité dans les usages qu'elle fait des supraconducteurs. L’imagerie par résonance magnétique (voir le prochain article, « L’homme en images ») et le SQUID (Supercon.ducting QUantum Interference Device) en sont de bons exemples.

Alors que la plupart des applications des supraconducteurs misent sur l’absence d’effet Joule ou l’effet Meissner, le SQUID met directement à profit les aspects quantiques de l’état supraconducteur. Formé de deux jonctions de Josephson (voir encadré) reliées en parallèles, ce dispositif est utilisé pour détecter de très faibles champs magnétiques tels que ceux créés par l'activité cérébrale. Lorsqu'aucun champ magnétique n'est présent à proximité de l'appareil, les fonctions d'ondes des paires de Cooper passant de A à B par chacune des branches sont en phase. Par contre, un infime champ magnétique occasionne un déphasage entre les fonctions d'ondes des paires de Cooper venant d'une branche par rapport à celles venant de l'autre. L'analyse du déphasage détermine l'intensité du champ magnétique présent.

En somme, une foule de domaines tendent maintenant à diriger leurs recherches vers les diverses applications possibles des supraconducteurs, ce qui fait que leur nombre continue de croître depuis des années. Pourtant, la préoccupation des physiciens consiste présentement à trouver (ou à créer) un supraconducteur à une température critique encore plus élevée, ce qui nous permettrait de s'en servir plus aisément. C'est un défi de taille, mais en avançant pas à pas vers la température ambiante peut-être pourrons-nous un jour faire de ce supraconducteur un élément aussi rudimentaire que... l'aluminium!

Les jonctions de Josephson

En 1962, Brian David Josephson suggéra que des paires de Cooper sont susceptibles de traverser une mince couche d'isolant (~1 nm) situé entre deux segments de supraconducteurs. Ceci est en effet possible grâce à l'effet tunnel (en mécanique classique, une particule dont l'énergie cinétique est insuffisante, ne peut franchir une barrière de potentiel, mais, en mécanique quantique, il existe une probabilité non nulle pour qu'une telle particule franchisse la barrière! ce phénomène est appelé, effet tunnel). Ainsi, en l'absence de courant appliqué, les électrons passant d'un côté à l'autre de la jonction produiront une différence de potentiel à ses bornes. La présence de ce supracourant se nomme effet c.c. (courant continu) de Josephson. De plus, si une différence de potentiel est appliquée aux bornes de la jonction, il en résultera un courant alternatif de fréquence proportionnelle à la différence de potentiel. On qualifie ce phénomène d'effet c.a. (courant alternatif) de Josephson. La constante de proportionnalité entre la fréquence et la tension étant de l'ordre de 1012 Hz/V, une modification minime de la différence de potentiel entraîne une importante variation de la fréquence du courant alternatif. Les jonctions de Josephson sont donc souvent utilisées pour mesurer précisément de minuscules différences de potentiel.

Marie-Christine Gosselin j

Bibliographie

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